Jeunesse africaine face à la crise climatique : comment sauver la planète quand on a faim ?

Article : Jeunesse africaine face à la crise climatique : comment sauver la planète quand on a faim ?
Crédit: Iwaria
3 juin 2024

Jeunesse africaine face à la crise climatique : comment sauver la planète quand on a faim ?

Alors que le monde entier célèbre la journée mondiale de l’environnement ce 5 juin, la jeunesse africaine danse devant le buffet. Et lorsqu’on n’a rien à manger, comment penser aux délicieuses recettes pour sauver la planète ?

[Les personnages cités à titre illustratif dans cet article sont fictifs, bien qu’inspirés de faits réels.]

Les jeunes africains manquent généralement de moyens pour prendre leur part dans les solutions à la crise climatique. Ils sont pourtant les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique.

En sept ans d’engagement écologique, j’ai eu le temps d’observer et de côtoyer de belles initiatives sur différents continents. Cependant, force est de constater que dans l’engagement écologique des jeunes en Afrique, je ne vois que de maigres actions çà et là qui se démarquent difficilement, témoins d’un engagement famélique, facilement instrumentalisable à la faveur de la moindre niche de financement.

Alors cette année, au lieu de me laisser entrainer dans le flot des actions symboliques marquant le 5 juin autour du thème de la journée mondiale de l’environnement, j’ai plutôt envie de parler des difficultés qui empêchent les jeunes africains de prendre leur part dans le combat écologique mondial. 

Quand les besoins primaires ne sont pas comblés

Plusieurs obstacles empêchent les jeunes de s’engager dans des initiatives durables en Afrique. Rappelons qu’il s’agit du continent qui subit le plus les conséquences du réchauffement climatique. Sa jeunesse est handicapée par une crise climatique dont l’Afrique n’est pas responsable.

Cette jeunesse ne reste néanmoins pas les bras croisés. Elle tente des choses toutefois fragilisées par un contexte difficile. Plus de 72 millions de jeunes africains, dont majoritairement des femmes, n’ont pas accès aux études, à un emploi ou à une formation qualifiante. 

© Iwaria

Près de 98 millions d’enfants ne vont pas à l’école. Il est difficile de faire émerger des Einstein de l’écologie dans ces conditions. Tout le monde ne peut pas être Greta, mais quand même ! Pendant que Greta Thunberg grille les cours pour protester contre l’inaction climatique, Moussa lui, aurait aimé bénéficier d’un système éducatif correct.

Comment prendre conscience des enjeux du monde qui nous entoure si on ne sait ni lire ni écrire correctement ? Comment faire partie de la solution face à la crise climatique ? Moussa a manqué pas mal d’opportunités avec son association environnementale, car il n’a pas les compétences nécessaires pour mobiliser les fonds, rédiger les bons courriers et entretenir des partenariats institutionnels malgré ses belles idées et sa passion. Entre le manque d’eau potable dans son village, la distance entre son domicile et l’école et le manque d’électricité pour réviser, il a dû écourter ses études sans avoir le moindre diplôme.

Chômage, manque d’argent, difficultés quotidiennes, elles-mêmes exacerbées par le réchauffement climatique, les rares jeunes plus ou moins compétents, qui comprennent la trajectoire infernale de l’humanité en crise, sont ramenés à la dure réalité de la pauvreté.

Entre la recherche d’une situation professionnelle et sociale stable et l’envie de s’engager pour changer les choses, Jessica a quant à elle dû faire un choix difficile. Après plusieurs demandes infructueuses de financement, elle a tiré une croix sur l’association environnementale qu’elle avait créée sur les bancs de l’université. Quel dilemme ! Il n’y a rien de pire que le savoir qui n’apporte point de salut à celui qui le possède.

Le projet de Vanessa est subventionné par du greenwashing 

Pendant qu’ils sont au camp, Vanessa reçoit une notification par mail lui confirmant l’obtention d’une importante subvention privée pour son projet de soutien aux victimes des inondations.

Elle est contente et l’explique aux autres jeunes engagés du camp. Au tour de Kylian qui vient des États-Unis de lui expliquer qu’il s’agit d’une entreprise fossile qui pollue et donc de Greenwashing.

© Iwaria

Vanessa a fondé son association pour aider les victimes des sécheresses, inondations et de la pauvreté dans son village. Elle est aujourd’hui l’interlocutrice entre sa communauté et les entreprises étrangères qui s’installent progressivement dans la région. Elle organise des actions humanitaires et notamment le relogement des habitants des sites menacés par les inondations et les glissements de terrain. 

Son village est constamment frappé par des épisodes de sécheresse et de famine. Elle côtoie quotidiennement des enfants faméliques qui n’ont pas de choix à faire entre des aliments issus de l’agriculture biologique ou pas. La nourriture se fait tellement rare.

Ce qu’elle va répondre à Kylian, c’est que dans cette lutte, elle a été seule pendant longtemps, et particulièrement financièrement. Vanessa a envoyé tous les courriers qu’elle pouvait aux autorités locales et internationales, mais n’a bénéficié d’aucun soutien suffisant. Plus d’une fois, elle a voulu abandonner. 

Jeune femme africaine tenant un portefeuille avec une monnaie virtuelle bitcoin stressée et frustrée avec la main sur la tête visage surpris et en colère
© Freepik

De retour d’une formation dans le cadre d’un programme international, elle commence à ouvrir ses horizons et côtoie des bailleurs privés qui sont prêts à la soutenir. Elle y voit deux bénéfices : une lucarne de sensibilisation des entreprises qui s’installent et exercent sans tenir compte de la population et un moyen de pérennisation de ses activités. 

Avant de mettre fin à la conversation, Vanessa explique à Kylian qu’il est facile de choisir quelle aide accepter lorsqu’il y a une Sécurité sociale et une institutionnalisation de l’aide aux associations au niveau local. Mais chez elle, c’est tout un parcours du combattant pour trouver des aides. 

Tedougou, un ancien compagnon avec qui elle a essuyé les plâtres des débuts de l’association, l’a abandonnée en cours de route pour se lancer dans des petits boulots : il est actuellement pompiste dans la nouvelle station d’essence qui vient d’ouvrir dans son village. Les difficultés de la vie ont rattrapé Tedougou. Comment sauver la planète quand on a faim ?

Donner aux jeunes africains les moyens d’agir : financer, accompagner 

Les jeunes d’Afrique doivent davantage être entendus et vus sur le front de l’engagement écologique. Dans ce sens, les financements destinés à l’adaptation et à l’atténuation doivent être bien fléchés.

La dernière décennie a été celle où l’on a le plus parlé de réparation et de soutien à l’adaptation au changement climatique en Afrique, mais les jeunes restent toujours les angles morts. Les niches d’innovation se raréfient, plusieurs initiatives s’essoufflent par manque d’accompagnement.

L’engagement écologique doit être à la portée de tous les jeunes et notamment des jeunes africains, car c’est avec eux que l’avenir de la planète se construira durablement. Pour libérer l’engagement des jeunes africains, pour sanctuariser leur puissance d’innovation, faudrait-il d’abord les libérer de leurs insuffisances économiques et matérielles. Comment sauver la planète quand on a faim ?

Yves-Landry Kouamé

Partagez

Commentaires