Que dit le rapport du GIEC sur l’Afrique ?

Article : Que dit le rapport du GIEC sur l’Afrique ?
Crédit: © Iwaria
2 mars 2022

Que dit le rapport du GIEC sur l’Afrique ?

Le dernier rapport du GIEC a été publié officiellement ce 28 février 2022. Entre dommages conséquents, détails chiffrés de la réalité climatique, inégalités de vulnérabilité et sous-médiatisation, que dit ce rapport sur l’intensification du réchauffement climatique en Afrique ?

Sahara© Iwaria

C’est l’un des rapports les plus importants de ce début d’année. Le 2e volet du sixième rapport du GIEC vient de sortir et fait son petit bout de chemin dans la presse spécialisée, prêchant le plus souvent à des convaincus. Regroupant les travaux de 270 auteurs dont 47 coordonnateurs, 184 auteurs principaux et 39 éditeurs-réviseurs, il regroupe des conclusions scientifiques qui interpellent tous les continents, notamment l’Afrique. Menace de famine,  inégalités de vulnérabilités, certaines zones plus exposées que d’autres, augmentation inquiétante des températures et baisse anormale des précipitations, avec plus de 220 pages consacrées, que dit ce rapport sur le climat en Afrique ?

Alimentation : des détails sur les conséquences du réchauffement en Afrique

Les impacts observés et les risques prévus pour les cultures et le bétail sont importants. Selon le dernier rapport du GIEC, le changement climatique a réduit la croissance de la productivité agricole totale en Afrique de 34 % depuis 1961, plus que dans toute autre région du monde. 

En Afrique subsaharienne par exemple, les rendements de maïs ont diminué de 5,8 % et les rendements du blé de 2,3 %, en moyenne, au cours de la période 1974-2008 en raison du changement climatique. Dans l’ensemble, dans cette partie de l’Afrique, le changement climatique a réduit le nombre total de calories alimentaires, toutes cultures confondues depuis 1970. Il ne faut donc pas s’étonner d’une progression de maladies dues à des carences alimentaires. Les agriculteurs sont en effet exposés à une grande variété de menaces climatiques comme les sécheresses, la variabilité inhabituelle des précipitations, le retard et la réduction globale des précipitations en début de saison et la croissance d’une chaleur insupportable.

Par ailleurs, la dépendance à la pluie pour l’agriculture est un facteur de forte vulnérabilité. L’agriculture en Afrique est particulièrement vulnérable aux changements climatiques futurs, en partie parce que 90 à 95 % de la production alimentaire africaine est alimentée par des cultures pluviales.

Dans ce rapport du GIEC, une synthèse de 35 études portant sur près de 1 040 lieux et cas montre que les rendements des cultures diminuent en moyenne avec l’augmentation du réchauffement climatique pour toutes les cultures de base en Afrique, y compris en tenant compte de l’augmentation du CO2 et des mesures d’adaptation. 

La situation est critique, les conclusions du GIEC donnent froid dans le dos, mais les médias ne s’en font pas les relais et les populations ignorent ce qui se joue à l’horizon 2050 pour leur survie.

Des détails sur la décadence de la biodiversité africaine

Le GIEC est clair : “l’augmentation des niveaux de CO2 et le changement climatique détruisent la biodiversité marine, réduisent la productivité des lacs et modifient la répartition des animaux et de la végétation.” 

Avec un réchauffement climatique de 2°C, 7 % à 18 % des espèces en Afrique devraient être menacées d’extinction. Au-dessus de 1,5°C, la moitié des espèces évaluées devraient perdre plus de 30 % de leur population ou de la superficie de leur habitat approprié.

À 2 °C, 36 % des espèces de poissons d’eau douce devraient perdre leur habitat. Au-delà de 2°C, des pertes soudaines et graves de biodiversité se généraliseront en Afrique occidentale, centrale et orientale. Le changement climatique devrait également modifier les schémas de propagation des espèces envahissantes. 

Les limites de l’adaptation sont déjà atteintes dans les écosystèmes des récifs coralliens, prévient le GIEC. Toutefois l’immigration d’espèces venues d’ailleurs peut compenser partiellement les extinctions locales et/ou mener des gains de biodiversité locale dans certaines régions. 

Les femmes et les filles, plus exposées

Le mot “Femmes” revient 61 fois dans le chapitre 9 du rapport du GIEC consacré à l’Afrique. Cette importance quantitative révèle une réalité de vulnérabilité différentielle importante.

Les femmes, par leur rôle dans la société traditionnelle et par leurs pratiques, sont très vulnérables au réchauffement climatique en Afrique. 

Le réchauffement climatique engendre en effet des déplacements de populations qui tentent de fuir la sécheresse et les évènements extrêmes qui menacent leur survie. Ces déplacements entraînent une augmentation des rapports sexuels transactionnels pour remplacer les sources de revenus perdues. Les changements climatiques affectent ainsi chacun des principaux facteurs de transmission du VIH chez les femmes, notamment la pauvreté, l’inégalité et la violence sexiste.

De plus, la migration des hommes peut accroître la charge des travaux ménagers et agricoles, en particulier pour les femmes. Les femmes adultes sont les principales collectrices d’eau dans le milieu rural (46 % au Liberia à 90 % en Côte d’Ivoire), tandis que les enfants de sexe féminin sont plus nombreux que les enfants de sexe masculin à être associés à la collecte de l’eau (62 % contre 38 %, respectivement). Toutes ces charges ont été analysées et 71% des études ont fait état d’un résultat négatif sur la santé.

Le GIEC parle ainsi de vulnérabilités différentielles. Cette dimension est cruciale pour éclairer les actions et les financements en matière d’adaptation.

Banalisation et sous-médiatisation de l’information environnementale

Les questions environnementales sont fortement sous-médiatisées en Afrique. L’alerte climatique brûle la peau mais n’affecte pas les locaux climatisés des chaînes nationales de télévision. 

Le réchauffement climatique est plutôt banalisé dans les médias africains. Les grandes alertes viennent souvent des chaînes internationales et même quand c’est urgent, la diffusion des informations climatiques bénéficie de moins de publicité que plusieurs sujets de faits divers. C’est aussi le constat qui ressort, quelques jours après la publication du GIEC. 

Finissons cette petite note sur la banalisation médiatique du rapport du GIEC. 

En réalité, la sous-médiatisation des conclusions du GIEC en Afrique est due à une banalisation du rapport à l’échelle internationale d’une part et au silence de la communauté scientifique africaine d’autre part. A cela, l’on pourrait ajouter une faible spécialisation des médias africains sur les questions écologiques.

Ainsi, le traitement de cette actualité environnementale s’est fait de la manière la plus plate possible. Le rapport du GIEC baigne dans l’ombre de la crise ukrainienne. Les rares fois où il est évoqué, les chiffres et mises en discussion manquent. Il faut de toute manière le lire avant de pouvoir en parler.

Yves-Landry Kouamé

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Commentaires

Foumilayo Assanvi
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Merci pour ce résumé d'un rapport, à qui on vole toujours la vedette dans 'es médias. C'était il y a quelques mois l'arrivée de Messi au PSG. Maintenant, c'est la guerre.

Yves-Landry Kouamé
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Oui Foumi, et c’est bien dommage ! Pour ma part, j’ai pris plaisir à lire ce rapport et à partager mes premières impressions à travers ce billet.
Merci d’être passé et au plaisir de te lire prochainement…

Patalet
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C'est intéressant ce billet qui retrace les problèmes environnementaux .

Yves-Landry Kouamé
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Merci Patalet, ça fait plaisir de te lire.

Zoé
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Bonjour, je crois que vous négligez une donnée essentielle, c'est la part de responsabilités des grandes entreprises occidentales et les bouleversements de l'écosystème partout en Afrique. En effet, pomper les matières premières depuis la révolution industrielle semble vous échapper. Deux ou trois siècles peut être. Auparavant par exemple, les paysans africains avaient des méthodes ancestrales de déboisement pour fertiliser les terres cultivables, fertilisation de terrain déboisés par le feu puis reboisement par le plantage d'arbustes. A présent, il y a déforestation et déboisement intensif du poumon de l'Afrique de l'ouest et du sud, non seulement pour extraire des matières premières dont les énergies fossiles, transformation du bois en papier et du matériel (meubles par exemple). C'est sans oublier les métaux rares, charbon, pétrole, gaz, gaz de schiste (très en vogue très pollueur), uranium, etc.. Vous parlez de changement climatique mais les températures hautes en sont pas dues qu'au système solaire. Si vous n'analysez la situation que d'un point de vue vous ne pouvez pas sensibiliser les consciences... Vous laissez à l'union africaine continuer d'ignorer le vrai problème comme en occident ou l'écologie n'est pas un sujet "traité" traité plus sérieusement, la situation n'a pas changé d'un iota depuis les années 60. Mais c'est à vous en Afrique de vous bouger aussi, pour que nous de l'autre coté nous imposions. C'est sans doute parce que vous vous laissez faire que nous ici ne pouvons rien faire. Enfin, je crois.

Yves-Landry Kouamé
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Bonjour, votre point de vue est intéressant et rejoint l’une de nos approches pour repenser le narratif de l’engagement écologique en Afrique et appeler à la justice climatique entre autres. Cependant comme vous pourriez le constater, ce billet revient sur quelques points du chapitre 9 du volet2 du sixième rapport du GIEC publié le 28 Février. L’idée que j’ai voulu faire ressortir vers la fin, c’est justement l’importance de certaines conclusions du GIEC et aussi la sous-médiatisation de ce rapport à l’échelle internationale et africaine. L’autre point que vous abordez est analysé dans des billets précédents et aussi dans un billet à venir !

Merci de votre contribution et au plaisir de nos prochaines discussions sur ces sujets

Zoé
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Ce rapport est sans doute "incomplet" justement, il ne fait probablement pas ressortir la réalité de ce monde, les lucides restent sur la faim. Il me semble qu'il n'endosse pas moins de 4000 pages. comme toujours, afin que l'essentiel ne soit pas "discuté" par le plus grand nombre, notamment occidental. C'est l'usage, afin que les intéressés ne puissent en extirper une synthèse concrète. Au final, les choses restent en l'état, parce qu'elles profitent toujours au coté qui se remplit grâce aux multinationales. De toutes manières, l'association ultralibéral et écologie est antinomique. L'Afrique sera toujours dans une "économie parallèle", infériorisée. La jeunesse l'a bien compris quoiqu'il en soit, d'où les remous récents auxquels on peut assister... notamment au Mali.

Yves-Landry Kouamé
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La longueur du rapport fait partie des éléments qui rendent ce rapport inaccessible au plus grand nombre. En plus du fait qu’il ne soit pas systématiquement traduit en plusieurs langues. Dans le fond vous pouvez avoir raison sur certains points. Mais si on ne peut pas faire confiance au travail des scientifiques, vers qui faut-il se tourner finalement ? Et vous n’êtes pas la seule personne à critiquer ce rapport dans le fond, ses limites et notamment son processus de validation par les Etat avant sa publication !

Vous faites aussi bien de faire un clin d’œil à la jeunesse africaine qui se bouge. Car justement, le prochain billet abordera les actions de la jeunesse pour faire face au réchauffement climatique. À bientôt et merci pour vos contributions