5 juin 2021

World Environment Day : restaurer des écosystèmes en décadence

Les écosystèmes ont du mal à s’adapter à notre rythme de pollution. Les océans suffoquent, les sols sont contaminés, l’air est pollué, les eaux sont souillées et la biodiversité disparait. Notre empreinte écologique pèse aujourd’hui trop lourd pour les écosystèmes. 

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Longtemps considérés comme les poubelles de la planète pour leur immensité et parce qu’ils avalent sans soucis tous nos déchets, les fonds marins sont aujourd’hui en déliquescence. Les espaces naturels forestiers quant à eux, continuent d’être exploités sans prise en compte de la faune qui y vit. Surpêche, pollution plastique, pollution des terres cultivables, marées noires, déforestation, braconnage, toutes les armes de destruction massive des écosystèmes sont enclenchées quotidiennement sur différentes portions de la planète. Pour toutes ces raisons, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, l’ONU a décidé cette année de taper du poing sur la table en lançant la décennie de la restauration des écosystèmes. Mais peut-on restaurer les écosystèmes en dix ans ?

Les écosystèmes aquatiques deviennent inhospitaliers

Il y aura plus de plastiques que de poissons dans les océans d’ici 2050.  Les fonds marins, ces écosystèmes dont la beauté est unique suffoquent et deviennent inhospitaliers. En 2016, une zone morte de la taille de l’Ecosse, a été découverte au fond de la mer d’Arabie. Les zones mortes sont des zones où la qualité de l’oxygène s’est altérée. Ce sont des zones qui ne permettent plus aux espèces endémiques de vivre convenablement.  

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Les premiers constats datent de plus de 20 ans. En 1996, dans les fonds de la mer d’Arabie, entre le Yémen et l’Inde, une première mesure de l’état de l’oxygène avait attiré l’attention des chercheurs sur certaines anomalies, sans grandes conséquences. Cependant, les mesures les plus récentes dont celles de 2015 et 2016 montrent que la zone d’hypoxie dans la mer d’Arabie s’est étendue dangereusement plus loin, va crescendo et les causes de son extension pourraient être imputables aux déchets industriels et au réchauffement climatique selon des scientifiques. Elle est l’une des plus inquiétantes zones de fragilité écologique en raison de son importante taille.

Elle commence à environ 100 mètres (de profondeur) et descend jusqu’à 1.500 mètres, de sorte que presque toute la colonne d’eau est complètement dépourvue d’oxygène.

M. Lachkar, chercheur à l’université NYU Abu Dhabi (AFP)

Le manque d’oxygène en mer peut être causé par la prolifération d’algues et d’espèces végétales qui absorbent tout l’oxygène du milieu au détriment des poissons. Ces espèces végétales deviennent invasives et problématiques dès lors qu’elles se nourrissent excessivement de fertilisants issus de nos déchets agricoles, de nos eaux usées et des rejets industriels. Selon l’UICN, environ 700 fonds marins suffoquent aujourd’hui par désoxygénation, contre 45 en 1960. Pendant ce temps, 400 zones mortes clairement identifiées menacent les écosystèmes aquatiques. 

Dans un monde complexe aux défis de sécurité alimentaire et d’explosion démographique importants, des espèces de poissons comme le thon sont menacées par les zones mortes. Cette réalité affecte les rendements halieutiques, impacte les économies littorales et fragilise des écosystèmes aquatiques dont l’actualité rime désormais avec urgence. 

Déforestation : des espèces emblématiques menacées

Chaque année, 25 millions d’arbres, 18 milliards de litres d’eau et 22 millions de barils de pétrole sont mobilisés rien que pour la fabrication des tickets de caisse. Les tickets de caisse sont pourtant d’une utilité négligeable contrairement à la forêt. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est qu’un arbre qui tombe, ce n’est pas seulement un arbre qui tombe. Un arbre qui tombe, c’est aussi un habitat d’oiseaux détruit, c’est un maillon spécifique qu’on déconnecte d’un écosystème.

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Le spécisme a eu raison du rhinocéros noir d’Afrique. Le braconnage a eu raison du rhinocéros vietnamien. Le nombre d’éléphants de forêt d’Afrique a chuté de plus de 86% sur une période de 31 ans, tandis que la population d’éléphants de savane d’Afrique a diminué d’au moins 60% au cours des 50 dernières années, selon les évaluations de l’UICN. Classé dans la catégorie des espèces en danger critique d’extinction, le pronostic vital de l’éléphant de forêt d’Afrique est donc engagé. Les portions d’écosystèmes dans lesquelles il évolue se rétrécissent jour après jour. Le thème de la journée mondiale de l’environnement tombe donc à pic : restaurer les écosystèmes !

Un thème et une vague numérique mondiale pour mobiliser quelques actions sous le sceau de l’environnement, c’est ce qu’on a fait jusqu’ici. Combattre la pollution plastique en 2018, combattre la pollution de l’air en 2019, biodiversité en 2020 et cette année, restaurer les écosystèmes ! Il faudra un jour se poser la question de l’impact réel de ces journées et questionner la pollution numérique qu’elles engendrent. A travers le thème de cette année, l’ONU vise le long terme en s’inscrivant dans une décennie de restauration des écosystèmes. Mais peut-on restaurer les écosystèmes en 10 ans quand on sait que 4,2 millions d’hectares de forêts primaires tropicales ont été détruits en 2020 selon Global Forest Watch ? La superficie de la forêt mondiale a diminué de 178 millions d’hectares sur ces 30 dernières années, indique un rapport de la FAO

Restaurer les écosystèmes en 10 ans

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La décennie pour la restauration des écosystèmes (2021-2030) est lancée. Il s’agit concrètement de régénérer les écosystèmes détruits par les industriels guidés par l’appât du gain, de restaurer les écosystèmes détruits pour nous fabriquer des produits qui se retrouveront très vite en fin de vie à la mer, sous forme de déchets et d’encombrants. Il s’agit de ces écosystèmes fragiles, que nous observons avec contemplation sur nos écrans, mais que nous méprisons par nos achats dès que nous mettons les pieds dans le commerce. 

Alors qui dit restauration des écosystèmes en 10 ans, dit aussi changement de nos modes actuels de consommation. Quand les intérêts privés nuisent aux ressources et au bien-être de la collectivité, il va falloir y remédier en 10 ans. Quand pour la fabrication de tickets de caisse qui seront immédiatement jetés à la poubelle, des forêts sont gratuitement détruites, il va falloir y remédier en 10 ans. Il va falloir dans cette décennie, soit arrêter de consommer des produits toxiques, soit arrêter la vente des produits toxiques. 

Arrêter de consommer des produits toxiques suppose qu’on réduise les pétitions et qu’on agisse sérieusement sur nos modes de consommation. Cela suppose qu’on mette plus d’ardeur à trier nos déchets convenablement, à acheter ce qui est produit localement, à consommer juste ce qu’il faut, à réduire notre consommation de viande, à limiter l’usage de la voiture pour les courtes distances. En démocratie, cela suppose par exemple de voter des candidats porteurs de valeurs écologiques. 

Arrêter de consommer des produits toxiques suppose par ailleurs de relever le challenge qui consiste à ne rien acheter chez les gros pollueurs de la planète. Mais le bémol avec les actions individuelles et citoyennes, c’est qu’elles ont souvent pour plus grand mérite, l’allègement de notre conscience individuelle. En réalité, les assiettes des 7,5 milliards d’habitants que compte notre unique Terre coûtent beaucoup trop cher pour la planète et les écosystèmes ont du mal à s’adapter au rythme de pollution induit par les activités industrielles. Il faut donc 7,5 milliards de personnes éco-responsables.

Les 10 prochaines années qui s’annoncent seront décisives.

Décontaminer les écosystèmes pollués, régénérer la flore, restaurer la diversité faunistique et surtout éviter l’extinction des espèces en danger critique, seront les montagnes à surmonter.

Yves-Landry Kouamé

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Commentaires

Kouakou
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Merci Yves-Landry Kouamé pour cette belle contribution à la prise de conscience sur l'érosion des richesses naturelles ."Restaurer les écosystèmes " est une nécessité.

Yves-Landry Kouamé
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Bien plus qu'une nécessité je dirai... Merci pour votre commentaire M. Kouakou