Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives

Article : Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives
Crédit: gebana
7 juillet 2022

Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives

À lui seul, le trio Côte d’Ivoire-Ghana-Togo vaut environ 70% du cacao qui alimente l’industrie mondiale du chocolat. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que cette industrie pourtant lucrative ne profite pas aux cacaoculteurs.

Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives @etresensibleasonenvironnement - photo de gebana
© gebana

La matière première nécessaire à la fabrication du chocolat provient majoritairement d’une poignée de pays tropicaux où manger du chocolat peut relever du luxe. Parmi ces pays, la Côte d’Ivoire bat tous les records de production de cacao, l’ingrédient principal du chocolat. Tout juste derrière, il y a le Ghana, deuxième producteur mondial. Le Togo, autre pays ouest-africain non moins important, a longtemps fait l’actualité du swollen shoot, la maladie du cacao. En parlant de maladie, nous mettons les pieds dans l’océan de maux dans lequel baignent les cacaoculteurs. Dans les champs de cacao d’Afrique, loin des rayons « Chocolats et Confiseries » de nos supermarchés, la friandise n’a en effet pas le meilleur goût ni le meilleur coût.

Chocolat raffiné, cacaoculteurs déprimés

Le coût économique, social et écologique de l’achat d’une tablette de chocolat peut être amer. Sans le vouloir, le consommateur se rend régulièrement complice de pratiques climaticides, du travail des enfants et de certaines formes d’esclavage en Afrique de l’Ouest.

Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives @etresensibleasonenvironnement - photo de gebana
Ecabossage ©gebana

C’est de l’Afrique de l’Ouest que provient la majeure partie du cacao nécessaire à la fabrication du chocolat. Cependant, les planteurs de cacao n’arrivent pas à joindre les deux bouts avec leurs faibles revenus. La juteuse industrie chocolatière s’approvisionne en cacao auprès de ces paysans, mais ces derniers n’ont que des miettes en retour. Pourtant, que seraient les nuits pascales, Noël, les soirs d’automne et d’hiver sans chocolat ? Que seraient nos moments gustatifs, nos moments de partages intenses sans les cacaoculteurs ivoiriens, ghanéen, togolais ?

C’est d’eux que tout part pour aboutir au chocolat raffiné, cette friandise adorée des petits et des grands. Mais dans les champs de cacao, à l’autre bout de la chaîne, le retour des observateurs ne permet pas de considérer comme parole d’évangile, l’idée que “l’homme mangera à la sueur de son front”.

Ces braves paysans travaillent à la machette pour débroussailler, à la main pour semer, entretenir, sécher et trier les fèves. Ils mobilisent aussi des forces physiques un peu partout dans la famille, car il s’agit avant tout d’exploitations familiales. D’autres manœuvres issus de l’immigration intrarégionale sont couramment sollicités dans ces champs. Cependant, tous les honnêtes observateurs sont unanimes sur le fait qu’en plus de dégrader l’environnement, ce travail ne permet pas aux planteurs de sortir de la pauvreté. Au contraire, ces derniers qui n’ont pas la liberté de fixer, à la hauteur de leur travail, le prix du cacao issu de leurs champs, vivent et vont à la retraite dans des conditions difficiles. Ils ne perçoivent qu’autour de 6% des recettes de l’industrie du chocolat.

Concernant le prix du cacao, rappelons que depuis son entrée en bourse en 1925, le prix du kilogramme de cacao fluctue chaque année. Une fluctuation du cours du cacao signifie que sur le marché boursier, selon certaines tendances, l’on peut décider de diminuer ou augmenter le prix auquel il faudrait acheter le cacao des planteurs. Et c’est sur le principe de l’offre et de la demande au niveau international, que ce prix fluctue. Ce prix, toujours à l’avantage des acheteurs et des chocolatiers, est à la base de la dégradation de l’environnement et des conditions de vie des planteurs dans la sous-région ouest-africaine.

Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives @etresensibleasonenvironnement - photo de gebana
Séchage au soleil des fèves de cacao ©gebana

Cette réalité n’est pas toujours constatée dans nos supermarchés car les industriels font peser le poids des fluctuations plutôt sur la tête des planteurs. En plus de cette situation inconfortable, comme on peut le lire dans l’ouvrage “Qui sont les planteurs de cacao de Côte d’Ivoire”, certains négociants emploient des méthodes déplorables pour instrumentaliser les coopératives dans le but d’acheter le cacao au prix le plus bas possible et maximiser leurs marges au détriment des planteurs.

Face à une telle situation, pour continuer à exister et couvrir leurs charges familiales, les cultivateurs sont obligés d’étendre leurs exploitations sur de grandes surfaces, de grignoter des espaces protégés, de faire travailler des enfants. La tentation des intrants chimiques s’est même accrue ces dernières années, à force de contraintes.

Ce cacao mangeur de forêts et de vies

La culture du cacao rime aujourd’hui avec déforestation, travail des enfants et manipulation de paysans illettrés. Dans la course au plus grand producteur de cacao, la biodiversité a dépéri et des vies continuent d’être mises en danger.

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Cacao mûr © gebana

La Côte d’Ivoire est l’exemple par excellence d’une biodiversité sacrifiée au bénéfice de l’économie d’exportation de matières premières agricoles. Avec 40% de la production mondiale de cacao, aucun autre pays de la planète ne fait mieux que ce pays africain. C’est tout simplement le plus gros producteur de cacao au monde. Il y a donc de fortes chances que le dernier chocolat consommé ait un lien avec ce pays. Toutefois, le revers de la médaille, c’est une déforestation à plus de 80% depuis 1960. Entre les 60 000 tonnes de cacao produits en 1960 et l’historique barre franchie de 2 000 000 tonnes lors de la campagne 2016-2017, beaucoup d’arbres sont tombés et plusieurs habitats naturels ont été détruits. Des 16 millions d’hectares de forêt que comptait la Côte d’Ivoire en 1960, il n’en reste que 2,9 millions aujourd’hui. C’est l’une des plus grosses catastrophes écologiques en Afrique.

Suite logique, qui dit déforestation, dit aussi exposition au réchauffement climatique. La destruction des arbres, ces précieux alliés contre le réchauffement climatique, expose l’agriculture africaine à davantage de crises majeures. Le dernier rapport du GIEC y a consacré plus d’une centaine de pages, à juste titre.

En outre, si l’envoyé spécial du jeudi 10 janvier 2019, avait créé un malaise, c’est surtout qu’en plus de détruire des forêts, le cacao détruit beaucoup de vies. Dans ce documentaire bouleversant, dès les premières secondes, on pouvait voir et entendre une représentante d’ONG lâcher :

«Si vous avez beaucoup mangé du cacao (chocolat) ces dernières années, vous avez vous-mêmes mangé du travail des enfants, de l’esclavage. Ils travaillent dans les pires formes de travail des enfants. C’est-à-dire : (manipulation) des produits chimiques très dangereux, des machettes, des poids très lourds…»

Envoyé spécial. Cacao : les enfants pris au piège – 10 janvier 2019 (France 2)

Il y a vraiment de quoi culpabiliser. Et pourtant, la liste des vices de ce secteur est plus longue.

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© gebana

Sortons toutefois la tête de l’eau. La réalité est là, elle interroge notre porte-monnaie et nous invite à consommer autrement. En effet, en achetant un produit, on soutient les pratiques qui ont permis d’avoir ce produit.

On veut juste déguster du chocolat – direction supermarché – un achat – et on se rend complice de la déforestation, du travail des enfants et de l’esclavage à l’autre bout de la planète !

Jusqu’ici, en tant que consommateur, nous avons majoritairement plutôt été du côté des distributeurs et de l’industrie du produit fini au lieu d’être du côté des planteurs. Être du côté des planteurs c’est d’abord interroger la provenance des matières premières et les pratiques de la marque avant d’acheter.

Avant d’acheter, avoir la certitude que le chocolat est issu du commerce équitable et que le cacao est issu d’une agriculture biologique peut résoudre une partie des problèmes des cacaoculteurs. Plusieurs entreprises sont engagées sur ce terrain, en proposant des alternatives, un peu comme gebana.

Des alternatives : gebana, le bio et l’équitable

Les problèmes soulevés plus haut mettent en évidence le fait que les planteurs n’arrivent pas à vivre du prix auquel leur cacao est acheté. Certains acheteurs véreux profitent des paysans. La culture du cacao fait intervenir des enfants qui devraient être à l’école. Ce secteur a un impact environnemental dévorant.

Pour y remédier, une des voies possibles en tant que citoyen, c’est d’adhérer à un autre projet de société : celui porté par des marques engagées comme gebana.

Il est aujourd’hui indispensable que les consommateurs achètent auprès des marques engagées, qui essaient de rompre avec le système commercial qui place l’argent au-dessus de l’humain. Les marques engagées, ce sont ces marques qui garantissent au consommateur un achat qui a du sens. Acheter une boîte de chocolat chez gebana par exemple, c’est d’abord être assuré que le planteur en Afrique, dont le cacao a servi pour la fabrication de ce chocolat peut toucher une part qui lui permet de vivre décemment de son agriculture. Cette garantie est apportée par la certification “Commerce Équitable”. Le commerce équitable tel que pratiqué par gebana, permet au producteur de toucher le juste prix sur ses produits, de toucher 10% des bénéfices annuels de gebana, d’être formé à l’agriculture biologique et lui permet également d’avoir accès à une clientèle qui comprend le sens du travail de la terre.

Entretien des fèves de cacao séchées @etresensibleasonenvironnement - photo de gebana
Entretien des fèves de cacao séchées au soleil ©gebana

Détenteur du label bio et équitable, réduisant au maximum les intermédiaires entre le planteur et une clientèle essentiellement européenne, gebana a cette particularité de lutter contre les pratiques déplorables des géants de la grande distribution et questionne perpétuellement les règles commerciales qui désavantagent les petits producteurs. Les cultivateurs de gebana en Afrique, notamment au Togo, touchent deux fois de l’argent sur un même produit et sont accompagnés pour se spécialiser en agriculture biologique, en agroforesterie, etc.

La clientèle de gebana comprend bien qu’au-delà d’une simple commande en ligne, ce sont surtout des vies qui sont sauvées et des environnements qui sont préservés, parce que gebana paye environ trois fois le prix conventionnel du cacao auprès de ses cacaoculteurs.

Il faudra cependant plus d’acteurs dans cette démarche. Les efforts de gebana ne suffisent pas pour garantir un revenu vital à tous les paysans. Les bonnes pratiques doivent s’irriguer auprès de plus d’acheteurs de fèves de cacao. C’est justement pour cela que l’entreprise a réuni récemment tous ses collaborateurs grossistes, pour leur expliquer qu’il fallait payer plus le cacao, afin de rendre la filière plus bénéfique pour tous les acteurs. Cette démarche rencontre déjà quelques succès.

Cacao bio et chocolat équitable : quand la situation des planteurs rencontre enfin des alternatives @etresensibleasonenvironnement
Chocolat bio, issu du commerce équitable ©Yves-Landry Kouamé

Au-delà des alternatives qui peuvent exister, l’idéal pour le consommateur qui veut agir pour l’environnement, serait de limiter la consommation des produits comme le chocolat, dont l’impact environnemental est dévorant, et surtout d’éviter d’acheter certaines marques de chocolat. Par ailleurs, les scientifiques s’accordent à dire qu’il faut modifier radicalement nos habitudes de consommation, limiter le gaspillage de ressources et changer nos façons de produire.

Modifier notre façon de consommer, c’est acheter là où l’impact environnemental est moins important. C’est voter pour des alternatives comme gebana, ces alternatives qui rendent le consommateur acteur du bien-être des producteurs et de la terre.

À chaque achat de chocolat ou d’un autre produit, nous devons penser à faire le choix qui ne nous rend pas complice de la déforestation, du travail des enfants et de toutes les nouvelles formes d’esclavage.

Chaque achat est un vote, un choix entre d’un côté ceux qui détruisent des vies humaines, animales et végétales pour des gains personnels, et de l’autre, ceux qui redonnent du sens au travail de la terre et qui permettent au consommateur d’agir pour le bien commun et pour la protection de notre environnement de plus en plus fragilisé.

Yves-Landry Kouamé

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Commentaires

Nathan
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Article bien écrit qui illustre les réalités des cacaoculteurs en Afrique. Merci de nous aider à faire "un choix entre d’un côté ceux qui détruisent des vies humaines, animales et végétales pour des gains personnels, et de l’autre, ceux qui redonnent du sens au travail de la terre.»

Yves-Landry Kouamé
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Oui ! C’est une réalité qu’on ne perçoit pas toujours dans les rayons « Chocolaterie » des supermarchés. Merci pour ton retour Nathan

Mr KOUAKOU
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Constat de plusieurs initiatives de lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, seulement les approches adoptées ne sont pas assez efficaces !
Besoin de plus d'ouverture dans la recherche de solutions véritablement concrètes impliquant tous acteurs, surtout ceux qui ont la responsabilité de protéger nos forêts !
Toutes les approches actuelles ont plus consisté à casser le thermomètre qu'à soigner la fièvre !
Juste ma contribution !!!

Yves-Landry Kouamé
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Je suis d’accord Mr Kouakou ! Casser le thermomètre ne fait qu’empirer les dégradations et maintenir les paysans dans des conditions déplorables. Merci pour votre contribution

Kopel
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Une question subsiste : ne pensez vous pas que ce manque de proximité entre le consommateur et le producteur a une part de responsabilité dans cette ignorance dont nous faisons preuve concernant les mauvaises pratiques et conditions de vie des producteurs ?

Yves-Landry Kouamé
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La question est intéressante. Je crois que la délocalisation des unités de production et l’invisibilisation des conditions réelles de fabrication des produits ont une forte incidence sur nos façons de consommer. Et il n’est pas évident de s’en rendre compte quand on circule dans les rayons des supermarchés. Merci pour ce retour Kopel