Cop27 en Égypte : au plus près des sujets brûlants de la jeunesse africaine

Article : Cop27 en Égypte : au plus près des sujets brûlants de la jeunesse africaine
Crédit: iwaria
6 novembre 2022

Cop27 en Égypte : au plus près des sujets brûlants de la jeunesse africaine

L’année dernière, la distance, les visas, le coût élevé des frais de voyage, l’invisibilisation médiatique et le contexte sanitaire ont sapé la participation de la jeunesse africaine à la COP26 de Glasgow. Cette année tout se joue en Afrique, plusieurs sujets brûlants attendent des réponses, mais rien n’est gagné.

Pas besoin, à première vue, de traverser la Méditerranée pour se rendre à la COP27. C’est en Égypte que les derniers espoirs de la jeunesse africaine devront porter leurs fruits ou s’envoler définitivement. Du 6 au 18 novembre, à Charm el-Cheikh, devraient émerger des solutions concrètes au réchauffement climatique qui handicape l’avenir des jeunes africains. Cependant, au vu de l’échec de la COP26, au regard des faibles résultats des accords de Glasgow, à quoi faut-il s’attendre en Égypte ? La jeunesse africaine, aura-t-elle enfin la place qu’il faut au premier rang des invités ?

Une autre COP inaccessible à la jeunesse africaine

Un peu comme lors de la COP26, la jeunesse africaine est la grande absente de la COP27 qui a pourtant lieu en Afrique. 

Ce sont des espoirs qui tombent à l’eau. En effet, avec la COP27 à Charm el-Cheikh, on s’attendait à voir enfin, dans les grands médias, les multiples visages de l’engagement exceptionnel des jeunes africains dans le combat écologique mondial. Mais il n’en est rien.

Fr : La #Cop27 a lieu en Afrique et la plupart des activistes africains n’ont pas la chance d’y aller en raison du manque de badge ou de financement.

Plusieurs jeunes qui ont un engagement remarquable sur le continent ont essayé tant bien que mal d’accéder au sommet climatique le plus important de l’année. Pour espérer faire passer le message des pays terriblement exposés à la crise climatique, certains activistes ont lancé des campagnes de financement participatif en ligne, d’autres ont envoyé plusieurs courriers à des officiels et organisations internationales. Ils n’ont cependant pas tous eu gain de cause.

Pour rappel, Charm el-Cheikh est une ville africaine située en Egypte. Mais, même quand la COP se rapproche géographiquement d’eux, le constat est identique : les jeunes africains ne sont pas les premiers invités. Un sentiment d’exclusion s’ajoute donc à leurs conditions d’engagement déjà très difficiles. Les quelques jeunes qui ont pu s’y rendre sont assurés de s’asseoir sur les strapontins des salles de négociation, avec un poids médiatique faible voire inexistant. On peut dire que ces derniers sont juste utilisés pour du youthwashing (utiliser une poignée de jeunes engagés pour couvrir l’inaction). C’est bien dommage pour la planète !

https://twitter.com/hoffmansfloater/status/1586287611173535744?s=21&t=yMe2FfXYtf5fC16iotiYgQ
Cet activiste climatique (Dixon Bahandagira) a son bage pour assister à la COP27, mais n’a pas l’argent pour se rendre en Egypte depuis l’Ouganda.

Ne s’agit-il pas là d’une autre forme d’exclusion ? N’est-ce pas là une façon de disqualifier l’engagement écologique des jeunes issus de pays en difficulté ? L’absence de Greta à la COP27 est par exemple plus médiatisée que la participation de la poignée d’activistes africains sélectionnés pour assister aux négociations en Égypte. Là où la légitimité de la présence de Greta est évidente, celle des amis de Vanessa Nakate est sans cesse remise en cause. Mais qui est mieux placé que la jeunesse africaine pour parler du réchauffement climatique ?

Ce traitement inégalitaire qui a été critiqué à la COP26 en Écosse, est perpétué à la COP27 en Égypte. 

Échec probable de la COP27 : la jeunesse craint une COP26 bis 

L’observation des premières images ne donne aucun espoir. Rien ne présage une COP27 révolutionnaire. 

Sponsoring de Coca Cola, commerce insupportable autour de l’événement, mise à l’écart des activistes locaux, droits à l’activisme restreints, le décor de la COP27 est ainsi planté à Charm el-Cheikh.

Coca Cola, qui est de loin le plus gros producteur de déchets plastiques au monde, est sponsor de cette COP27. Cette information a suscité l’indignation des organisations de lutte contre la pollution. Avec un tel cocktail, la COP27 mélange dans le même verre, les acteurs qui profitent d’un monde dont la conscience se verdit (greenwashing) et les acteurs qui ont vraiment à cœur de verdir notre planète.

En plus de ce décor, quand on jette un coup d’œil aux retombées de la COP26 on remarque très vite que plusieurs pays présents en Égypte n’ont pas matérialisé leurs engagements de Glasgow. Ils étaient environ 200 à signer ce pacte de Glasgow.

Le pacte de Glasgow, c’est l’acte qui centralise l’essentiel des accords de la COP26. Cependant, une fois retournés dans leurs pays respectifs, les signataires de ce pacte ont littéralement tourné le dos aux sinistrés climatiques, en brillant par leur inaction.

Ce constat donne raison aux détracteurs de ces sommets climatiques. Ces sommets mondiaux sur le climat deviennent artificieux et redondants pour la jeunesse. Greta Thunberg, qui a été pourtant révélée au monde grâce à son discours historique à la COP de 2018, a boycotté le sommet cette année. La jeune suédoise y voit du greenwashing. 

L’une des ambitions poursuivies par la COP27, c’est de transformer enfin en action, les accords signés lors des précédents sommets climatiques. Une trop grande ambition n’est-ce pas ? Le risque d’une COP26 bis est bien réel.

Sujet brûlant de la COP27 : l’épineuse question des pertes et dommages

Les pertes et dommages liés à la crise écologique imposée à la Terre sont inégalement répartis. L’Afrique paie le prix fort. Quand on observe les politiques environnementales sur d’autres continents, on a l’impression qu’il y a encore du temps. Or en Afrique le réchauffement fait des ravages depuis des décennies. C’est d’ailleurs pour cela que la jeunesse africaine parle aujourd’hui de justice climatique.

Le réchauffement climatique a un coût énorme pour l’Afrique. Si les jeunes africains ont du mal à se construire et à construire l’avenir du continent africain, c’est en partie parce que cette jeunesse a été condamnée à faire face à un environnement défavorable. 

Cet environnement a été et continue d’être pollué par les grosses activités industrielles des pays développés. Les conséquences sont aujourd’hui dramatiques : famine à Madagascar et au Kenya, peuples côtiers chassés par l’élévation du niveau de la mer en Côte d’Ivoire et au Sénégal, inondations meurtrières au Nigeria, terres agricoles asséchées au Sahel, etc. La liste des conséquences actuelles du réchauffement climatique est longue et le coût de l’adaptation est hors de portée. Il se chiffre à des milliards de dollars. On parle même de centaines de milliards de dollars par an.

Fr : « Vous ne pouvez pas vous adapter à l’extinction »

Bien évidemment, les pays africains, dont une trentaine figurent parmi les plus économiquement pauvres au monde, ne peuvent pas débourser cet argent. L’idée même d’adaptation commence à déranger puisqu’il s’agit de s’adapter pendant que les pays qui la suggèrent continuent de polluer.

C’est donc l’un des sujets brûlants qui n’échappe plus aux revendications des jeunes. Cette question de la réparation des pertes et dommages donne pourtant une posture assez délicate à l’Afrique. Les pays industrialisés ont promis, il y a plus de dix ans, de contribuer à combler le trou des 100 milliards de dollars nécessaires à l’adaptation des pays en difficulté. Mais cette promesse n’a jamais été tenue. 

Dans le chapitre II et III du pacte de Glasgow les pays industrialisés avaient réaffirmé leur conscience du devoir de soutien à l’endroit des pays touchés.  Mais rien n’a bougé depuis la COP26. L’Afrique est pourtant le continent qui pollue le moins mais qui subit le plus les conséquences de la pollution. La réussite de la COP27 est donc liée à l’issue des négociations sur ce sujet.

Le tableau présenté ici n’est pas exhaustif et les jeunes africains savent pertinemment que la COP27 ne répondra pas à leurs préoccupations. Les pays développés n’arrêteront pas leurs industries polluantes au terme de cet événement. Les financeurs des projets dévastateurs comme Eacop essayeront toujours des passages en force et les médias classiques resteront complices.

Une chose est certaine aujourd’hui : la succession des COP ne fait pas reculer les causes des dégradations environnementales. Or, d’après le dernier rapport du GIEC, il ne nous reste plus que 3 ans pour agir si nous voulons éviter les pires scénarios climatiques. Aucune action gouvernementale concrète n’a accompagné les alertes de ce rapport. Plus personne n’en parle. Chaque année, les scientifiques ne cessent de sonner le glas funèbre d’une planète à l’agonie, à coup de rapports et d’articles que les décideurs lisent à peine.

Lire aussi : COP28 à Dubaï, une jeunesse africaine méfiante

Il est peut-être temps d’inventer d’autres modèles d’action collective. Il est tout aussi urgent de réinventer ces Conférences des Parties afin qu’elles ne soient plus des voyages coûteux qui accélèrent l’effondrement de la biodiversité au lieu d’y remédier. Nous espérons toutefois une COP27 qui surprendra positivement par son impact sur la planète, même si les premières images augurent du contraire.

Yves-Landry Kouamé

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