COP28 à Dubaï : face aux promesses en trompe-l’œil, une jeunesse africaine méfiante

Article : COP28 à Dubaï : face aux promesses en trompe-l’œil, une jeunesse africaine méfiante
Crédit: @etresensibleasonenvironnement
4 décembre 2023

COP28 à Dubaï : face aux promesses en trompe-l’œil, une jeunesse africaine méfiante

La 28ᵉ conférence des parties sur le climat se tient du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats arabes unies. Il s’agit de l’une des COP les plus contestées de ces dernières années. Du choix du président de cette COP28, en passant par la question de la non-inclusion de la jeunesse africaine, ou sinon du poids marginal des pays vulnérables par rapport aux lobbies invités en masse, tout est à refaire.

L’encre ne finit pas de couler pour décrier une COP28 où les dés sont pipés d’avance. Un pays hôte loin d’être neutre, des promesses en trompe-l’œil, une surreprésentation des lobbies, une sous-représentation des pays vulnérables et de la jeunesse africaine, pour ne citer que ces aspects. Cela dit, sachant que les éditions précédentes n’ont pas engendré de retombées exceptionnelles, que vaut vraiment cette COP28 ? Est-ce que le choix du pays hôte ne dit pas tout sur la portée de cette COP ? Quelle place y est accordée à la jeunesse africaine ? Pourquoi faut-il se méfier de la multiplication des annonces de Dubaï ? Décryptons ensemble.

Un pays hôte qui fait grincer des dents et une jeunesse africaine à l’écart

Les Émirats arabes unies sont un pays de consommation de masse, où les habitants ont une empreinte carbone qui montre clairement que le climat est le dernier de leur souci, ce choix de le désigner pays hôte n’a jamais fait l’unanimité.

À l’heure de la sobriété énergétique, les paysages urbains dans ce pays sont dans la démesure : îles artificielles, plages artificielles, la plus grande tour du monde, des lumières et usines partout…

Ainsi, avec un niveau de vie d’une abondance insolente, les Émirats arabes unis cumulent presque tous les modes de consommation et de production qui sont à la base du réchauffement climatique mondial.

Les quelques jeunes africains qui participent à ce rendez-vous peuvent se dire que c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Ces jeunes arrivent comme un chien dans un jeu de quille.

D’ailleurs, comme lors des éditions précédentes, un constat qu’on peut émettre, c’est l’absence de visibilité de la jeunesse africaine à ce sommet, notamment à la table des discussions.

Contre toute attente, une victoire pour les pays vulnérables !

Premier jour, première grande annonce de la COP28. Un fonds « pertes et dommages » qui va servir à réparer des catastrophes climatiques a été adopté. Bonne nouvelle, mais tout porte à croire qu’il faut rester mesuré dans la jubilation. N’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ? Où en est-on avec le premier fonds de Copenhague ?

En 2009, lors de la COP15, un premier fonds était adopté à Copenhague pour financer l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de l’usage des énergies fossiles dans les pays en développement. Ce fonds prévoyait en outre 100 milliards de dollars en direction des pays vulnérables. Mais, les engagements de ce fonds n’ont jamais été respectés par les pays développés.

L’année dernière à la COP27, le principe d’un fonds d’urgence a été signé en Égypte pour réparer les torts causés aux pays vulnérables, sans trop entrer dans les détails. C’est ce fonds qui vient d’être adopté avec beaucoup d’aspects qui ne rassurent pas les pays concernés.

Par exemple, ce fonds sera logé à la Banque mondiale où les pays riches ont plus de pouvoir que les pays vulnérables. Intervient également dans ce fonds la fameuse logique non contraignante.

On parle de contributions volontaires. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que si chacun peut mettre ce qu’il veut, le risque d’un « Copenhague Bis », et donc d’une coquille vide est grand. Il faudra d’ailleurs rester très attentif sur la composition du comité de gouvernance qui sera mis en place d’ici à quelques mois.

Encore un accord non contraignant sur les énergies fossiles

Responsables du réchauffement climatique, le pétrole fait partie, avec le charbon et le gaz, des sources d’énergie fossiles dont il faut se passer pour limiter le réchauffement climatique à + 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle. Une trajectoire qui parait utopique au regard des modes de vie actuels. Or, sans cet effort, les sécheresses, la montée des eaux, les inondations et autres catastrophes continueront de faire des ravages en Afrique.

A cet effet, tournons les regards vers Sultan Al Jaber, astre du développement des activités pétrolières dans son pays et président de la COP28.

Si plusieurs organisations non gouvernementales et plusieurs personnalités s’insurgent contre la présidence de la COP28 de Dubaï, c’est surtout parce que Sultan Al Jaber est une figure doublement controversée. Directeur de la principale entreprise pétrolière des Émirats arabes unis, il est aussi fondateur de Masdar, géant des énergies renouvelables. Il n’aurait donc pas de mal à pencher d’un côté comme de l’autre. Il n’a par ailleurs pas trop intérêt à ce que l’industrie pétrolière baisse ses activités comme le recommandent pourtant les scientifiques.

Finalement, les craintes des observateurs se confirment à la COP28 avec l’annonce d’un engagement non contraignant d’une centaine de pays à tripler les investissements dans les énergies renouvelables d’ici 2030. À première vue, il s’agit d’une bonne nouvelle.

On peut s’imaginer que cela contribuera à s’éloigner des énergies fossiles, mais il ne faut pas être dupe. Plus de pétrole dilué dans un peu d’énergie renouvelable ne fait pas de mal au lucratif business du pétrole, d’où le travail acharné pour rendre cet accord NON CONTRAIGNANT.

Qui a cru que le but des pétroliers était d’engager une véritable transition énergétique telle que le suggèrent les scientifiques ? La transition peut attendre.

Les promesses en trompe-l’œil entraînent des migrations

Les fausses promesses alourdissent les effets du réchauffement climatique. Ce poids lourd empêche les pays africains d’offrir de meilleures perspectives à leur jeunesse.

Ces pays subissent des retards de développement en raison de la pollution engendrée majoritairement par les pays développés depuis la révolution industrielle jusqu’à la fin du XXe siècle et s’endettent pour s’adapter.

Les inondations en Libye et au Congo, les manifestations de la montée des eaux en Côte d’Ivoire et les évènements extrêmes dans la corne de l’Afrique ont par ailleurs montré cette année l’ampleur de notre vulnérabilité en cas de catastrophes climatiques.

Des populations obligées de quitter leurs terres, des perspectives économiques brouillées, des coûts économiques qui auraient pu financer d’autres projets de développement. C’est cela la réalité du réchauffement climatique dans les pays du Sud. Pendant que d’autres se gavent et balancent des fausses solutions à la COP, d’autres en bavent au quotidien à l’autre bout du monde.

L’Afrique n’est pas historiquement responsable du réchauffement actuel, mais en subit le plus les conséquences. J’aime à le rappeler, quand on parle des effets du réchauffement en Afrique, on parle d’abord de jeunes dont l’avenir est handicapé. Cette jeunesse, qui n’est jamais correctement mise en avant lors de ces sommets, est la première à être touchée par les effets des demi-mesures lors des COP.

Tous ces jeunes qui fuient aujourd’hui le continent au péril de leur vie sont, pour beaucoup d’entre eux, des victimes du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique renforce les vulnérabilités environnementales, notamment dans les zones côtières, les zones rurales, agricoles, dans les zones à faibles potentialités économiques, etc.

La migration est finalement une forme d’adaptation au réchauffement climatique. Car quand on manque de perspective chez soi, tout ce qu’il reste à faire c’est de fuir. La crise écologique, à force d’inaction, devient ainsi humanitaire. Il y a urgence à agir !

Yves-Landry Kouamé

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