CAN 2023 en Côte d’Ivoire : attention à la pollution d’Abidjan !

Article : CAN 2023 en Côte d’Ivoire : attention à la pollution d’Abidjan !
Crédit: Yves-Landry Kouamé
23 juillet 2023

CAN 2023 en Côte d’Ivoire : attention à la pollution d’Abidjan !

Deux fois étoilée dans cette compétition qu’elle accueille, la Côte d’Ivoire n’a toutefois pas autant de prestige en matière de propreté des rues ni de qualité de l’air. Sa capitale économique, dépotoir des déchets sauvages et industriels, a tout d’une ville à dépolluer avant l’accueil des invités de la 34e coupe d’Afrique des Nations.

Dans une rue d’Adjamé, à Abidjan © Yves-Landry Kouamé

Comme à chaque CAN, pendant que certains s’inquiètent de la qualité des infrastructures d’accueil, d’autres font des pronostics sur le niveau de l’équipe nationale, eu égard aux dernières prestations des éléphants. Mais au-delà même des infrastructures et des performances sportives à venir, ce qui peut aussi inquiéter, c’est le sujet de l’insalubrité, au cœur de la Ville qui abrite le plus grand stade du pays, en l’occurrence le stade olympique Ebimpé. Ce vieux problème de l’insalubrité revient d’ailleurs souvent dans les compositions musicales des artistes ivoiriens depuis la fin des années 90.

“Sauvez-nous oh, on ne peut pas respirer” : refrain mythique d’une chanson de l’ancien groupe de zouglou Les Salopards, titrée “Vive le maire”

(Album Génération sacrifiée – 1998)

Dépolluer Abidjan : une vraie urgence avant la CAN de l’hospitalité

Première ville-hôte de la Coupe d’Afrique de l’hospitalité, Abidjan, la perle des lagunes, est loin de figurer au palmarès des villes propres.

Au fil des ans, à force d’accumulation des déchets sauvages dans les rues et d’une gestion urbaine dépassée par le développement urbain, l’exposition aux différents types de pollution y a atteint des sommets. Va-t-on accueillir nos invités de la Can 2023 dans ces conditions ?


Au bord de la lagune Ebrié à Abidjan, Cocody-Blokhauss ©Yves-Landry Kouamé

C’est d’ailleurs là que la différence peut se faire en ce qui concerne l’accueil de cette compétition continentale. Le tableau actuel montre une Lagune Ebrié qui a perdu de sa superbe, des rues d’Adjamé jonchées de déchets de toutes sortes, des usines et des transports qui rejettent quotidiennement des polluants dans l’atmosphère.

Abidjan, fait partie de ces villes fortement concernées par la pollution en Afrique de l’Ouest où le coût économique de la pollution plastique oscille entre $10 000 à $33 000 la tonne.

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C’est la ville où les habitants, notamment ceux de certains quartiers, vivent au quotidien avec le risque de pollution. Pollution des eaux ivoiriennes, pollution de l’air, 17 morts et une centaine de milliers d’empoisonnement, c’est par exemple le bilan direct du déversement des 300-600 tonnes de déchets pétroliers aux larges d’Abidjan le 19 Août 2006. Il s’agit ici du scandale du Probo Koala ou encore l’affaire Trafigura, l’une des plus importantes atteintes à l’environnement en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui encore, les effets sont là.

A lire aussi : Afrique subsaharienne et le casse-tête des déchets

Toujours à Abidjan, les habitants de certaines communes comme Treichville paient au quotidien les frais des activités industrielles. L’inhalation quotidienne de la poussière rejetée par l’activité industrielle dégrade les conditions de vie.


Dans les rues d’Adjamé à Abidjan ©Yves-Landry Kouamé

Alors entre les odeurs et le paysage de l’insalubrité à chaque coin de rue, les rejets industriels et les fenêtres constamment recouvertes de poussières, faut savoir où on pointe le nez à la CAN 2023. Autre point important : la compétition viendra certainement ajouter son lot de pollution.

Prévenir et gérer les déchets des supporters pendant la CAN

Les grandes compétitions sportives sont connues pour leurs impacts négatifs sur l’environnement. C’est une dimension qui est aujourd’hui à anticiper dans l’organisation et la communication autour des compétitions de haut niveau.

Pour l’instant, aucune campagne de communication autour de la CAN 2023 ne s’y penche sérieusement.

Or si aucune mesure n’est prise dans ce sens, si aucune dimension écologique n’est affichée à la CAN 2023, si les supporters n’adoptent pas des gestes écocitoyens, les stades et leurs alentours deviendront des dépotoirs de déchets. 

Il n’est pas trop tard pour bien faire. Sachant que l’agence nationale de gestion des déchets peine déjà à gérer les 280 tonnes de déchets plastiques journaliers d’Abidjan, qu’en sera-t-il des déchets qui seront générés par les passionnés du football ? En effet, Abidjan, c’est aussi la ville dont la gestion des déchets reste un véritable casse-tête pour les autorités locales. Plusieurs systèmes de gestion des déchets ont échoué à assurer la collecte et le traitement de ces derniers, face à l’urbanisation galopante, jusqu’à la mise en place de l’Anaged en 2017.

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Par ailleurs, va-t-on ou peut-on rêver observer des supporters locaux ou d’autres pays africains ramasser les déchets dans les stades après chaque match comme lors de la Coupe du monde au Qatar ou en Russie ? Les supporters japonais ont acquis une réputation exceptionnelle de civisme en la matière. 

En 2018, malgré une défaite (3-2) contre la Belgique, les supporters japonais ont défrayé la chronique en restant jusqu’à la fin pour nettoyer le stade. Contrairement à d’autres qui ne tardent pas à jeter des bouteilles sur le terrain pour exprimer leur dépit, les supporters japonais ont su garder de la lucidité pour effectuer des gestes écocitoyens : ils ont été filmés ramassant les déchets produits pendant le match. Cette façon de faire a été réitérée au Qatar en 2022, après le match d’ouverture Qatar-Equateur. 

Comme une bonne onde qui se propage, les français ont fait pareil après leur victoire (2-1) contre le Danemark. Les supporters Sénégalais ont aussi fait pareil après le match contre le Qatar. C’est aussi cela la beauté du football qui est un puissant canal pour véhiculer des messages importants.

Alors, allons-nous assister à des scènes similaires lors de la plus importante compétition sportive africaine ? L’espoir est permis ! 

Pour que la fête du football africain soit belle

Ce n’est pas faire tort au pays organisateur de la 34e fête du football africain, que de mettre en lumière l’insalubrité de la vitrine du pays, surtout quelques mois avant l’évènement. Bien au contraire.

Le slogan “Abidjan est le plus doux au monde” repose sur la chaleur traditionnelle des ivoiriens, notre humour, notre ouverture sociale, notre gastronomie, notre brassage culturel, autant d’atouts reconnus mondialement. Les autorités en charge de l’organisation assurent quant à eux que la Côte d’Ivoire est prête à accueillir la compétition. L’actualité est par ailleurs rythmée par le recrutement de 10 000 volontaires afin d’impliquer les jeunes, renforcer les équipes d’encadrement et guider les touristes sportifs de sorte à faire montre de l’hospitalité ivoirienne. Mais qu’est-ce que l’hospitalité dans une maison remplie de déchets ?

La Côte d’Ivoire a tout (ou presque) pour produire de beaux spectacles, du bon jeu comme en 2015 tout en rendant inoubliable le séjour de chaque visiteur lors de cette CAN.

Les principales villes-hôtes que sont Abidjan, Yamoussoukro (capitale politique, siège de la plus grande basilique du monde), Bouaké, Korhogo (abritant un musée d’art important) et San-pédro (premier port de cacao au monde), regorgent de lieux touristiques à la hauteur de l’évènement.

On parle aussi du pays de Didier Drogba et de Yaya Touré, d’une nation de football qui totalisera bientôt 25 participations à la coupe d’Afrique (même si le ratio participations/finales remportées, penche plutôt en faveur de l’Egypte). Toutefois, pour que la fête du football africain soit belle en Côte d’Ivoire, il est important de ne pas accueillir nos invités avec des poubelles sauvages jonchant les rues et les bords des cours d’eau.

Pour que la fête du football africain soit belle en Côte d’Ivoire, et pour ne pas rajouter davantage de pollution, il urge de redonner fière allure à nos rues, d’associer tous les acteurs intervenant dans la gestion des déchets, d’infuser quelques éco-gestes aux habitants et de placer le séjour des amoureux du football sous le sceau du civisme et de l’éco-citoyenneté.

Il est important de joindre l’utile à l’agréable en invitant tous les amoureux du foot à s’investir dans la propreté des lieux. Les jeunes volontaires peuvent être formés dans ce sens et les communications peuvent revêtir le sceau du zéro-déchet dans les stades. La réussite de cette CAN en dépend.

Let’s go pour la CAN éco-citoyenne de l’hospitalité !

Yves-Landry Kouamé

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Commentaires

Esther Mwamba
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On se serait cru à Kinshasa !
Au delà de notre hospitalité légendaire sur le continent, il est primordial de soigner le cadre de l'accueil matériel de l'accueil et j'espère vraiment que cette CAN sera meilleure en sens.
Merci encore pour cette article qui réveille !

Yves-Landry Kouamé
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C’est incroyable comment ce problème crucial passe souvent inaperçu dans nos pays. Est-ce le résultat d’une sorte d’accommodation à l’insalubrité ? Merci pour ton retour Esther, toujours un plaisir de te lire et j’espère aussi qu’on fera la meilleure Can…🏆