Diatoula – Les Terres Douces : la ferme agro-écologique du couple Coulibaly en Côte d’Ivoire

Article : Diatoula – Les Terres Douces : la ferme agro-écologique du couple Coulibaly en Côte d’Ivoire
Crédit: VIdji ZOGHW/Marie Engel Coulibaly
17 mars 2023

Diatoula – Les Terres Douces : la ferme agro-écologique du couple Coulibaly en Côte d’Ivoire

Il y a presque 20 ans, Marie, alsacienne et fille de viticulteur, rencontrait l’ivoirien Mamadou à Bamako. Cette rencontre n’a pas seulement donné 3 magnifiques enfants : elle a été aussi à l’origine d’un projet exceptionnel, une magnifique ferme-auberge agroécologique localisée dans la région de la Marahoué en Côte d’Ivoire.

À l’instar de plusieurs pays agricoles dans le monde, la déforestation et les pesticides frauduleux font ravage en Côte d’Ivoire. Cette situation engendre au passage un appauvrissement des sols, induisant par la même occasion un exode rural inquiétant.

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Si rien n’est fait pour réconcilier l’agriculture à la biodiversité locale, ce géant agricole risque d’être victime de son succès d’ici quelques années. Marie et Mamadou l’ont bien compris. Grâce à leur initiative écologique exceptionnelle (Diatoula – Les Terres Douces), il est aujourd’hui possible de redécouvrir le plaisir de cultiver et de manger des produits du terroir, sans pesticide, tout en passant un moment touristique d’une rare bienveillance.

D’une histoire d’amour à un projet agricole en faveur des générations futures

Le projet de ferme-auberge est né il y a 18 ans, lors de la rencontre du couple Coulibaly à Bamako. Mais c’est finalement en 2018, à côté de Yamoussoukro où Mamadou a grandi, qu’il va se réaliser.

« Tout est parti de ma rencontre avec Mamadou, de la possibilité de créer un pont entre le Nord et le Sud, de notre attachement originel à la terre et surtout de la volonté commune d’élever nos enfants dans un autre monde… »

Marie Engel-COULIBALY

Diatoula – Les Terres Douces s’est nourri du parcours des deux âmes pour finalement prendre ce nom très significatif. Diatoula est en fait le nom du village, dans une banlieue de Bamako qui a vu naître l’idée du projet agricole. Dans la langue Bambara, Diatoula signifie « la terre aride qui reverdit ». Et l’extension « Les Terres Douces » est le nom de la rue qu’ils ont habité à Salleboeuf, dans la périphérie de Bordeaux.

La ferme-auberge vue d’en haut : panneau photovoltaïque alimentant la demeure ©Marie Engel Coulibaly

Aujourd’hui, cette ferme-auberge écologique fait partie du patrimoine que le couple compte léguer aux générations futures. L’organisation pour faire grandir le projet se fait dans une belle complicité et en harmonie avec leur vie familiale.

Les rôles sont bien agencés de sorte que Mamadou par son expertise s’occupe du développement de la partie agricole de l’exploitation et de la gestion de l’équipe, tandis que Marie s’occupe de l’intendance générale de la maison qu’elle a au départ dessinée grâce à ses compétences en architecture. Elle s’occupe également de la gestion des chambres d’hôtes.

Le statut juridique de la ferme-auberge est associatif, mais reste une expérience familiale qui profite à 7 salariés permanents à ce jour. L’aventure rencontre également l’implication de tous les habitants et communautés autochtones voisines : « sans eux nous n’existons pas ; s’ils sont contre nous, nous ne faisons rien ! » explique Mme Coulibaly. Tous les salariés viennent des campements d’à-côté et sont constamment sensibilisés à l’écologie et à l’agriculture responsable.

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Face aux dérives environnementales de l’agrochimie et leurs impacts néfastes sur la santé, les habitudes de consommation et les façons de cultiver changent aux quatre coins du monde. Et l’Afrique n’est pas en reste. Le berceau de l’humanité, où se trouvent plus de 60% des terres arables restantes au niveau mondial, s’adapte et voit éclore des acteurs agricoles qui ouvrent la voie à des alternatives agro-écologiques qui donnent de l’espoir, à l’image du couple Coulibaly.

Géographiquement, nous sommes à Sinfra, non loin de la capitale politique ivoirienne (Yamoussoukro). Ce département du centre-ouest de la Côte d’Ivoire abrite une végétation de forêt claire fortement impactée par la déforestation.

Diatoula-les terres douces  © Marie Engel Coulibaly

Dans cette localité peuplée majoritairement par des peuples autochtones Gouro, le couple Coulibaly a pu acquérir un espace de 36 hectares, permettant de concrétiser un projet qui va certainement servir d’exemple dans la filière agricole ivoirienne.

L’agriculture est en effet source de dégradations environnementales inquiétantes en Côte d’Ivoire selon plusieurs observateurs. En plus d’appauvrir les sols, le recours abusif aux produits phytosanitaires devient un réel danger dans plusieurs localités.

Marie et Mamadou ont bien diagnostiqué ce problème et ont décidé d’implanter cette ferme-auberge en réponse à la crise de sens générée par l’agriculture chimique et extensive.

L’idée avec cette ferme-auberge, c’est d’arriver par une expérience familiale, à essaimer une dynamique collective de retour au lien avec la nature.

Un concept agro-écologique atypique et une réponse concrète à un malaise 

Pierre Rabhi aurait été ravi de découvrir cette initiative, lui qui a été le chantre de l’agroécologie toute sa vie. Sur les 36 hectares s’agglutinent une diversité de cultures qui se développent sans pesticide, selon des principes agroécologiques.

Fondée sur l’idée d’intégration de l’agriculture au sein d’une biodiversité, l’agroécologie fait intervenir l’énergie solaire, le compostage comme alternative aux engrais chimiques, l’agroforesterie et l’association élevage-culture. Car que serait l’agriculture si toute la biodiversité s’effondrait ?

Plantation d’ananas Bouteille entre les rangs d’une plantation de manguiers ©Marie Engel Coulibaly

Diatoula – Les Terres Douces, c’est donc concrètement une ferme-auberge composée de trois chambres d’hôtes pour se plonger dans un environnement d’une ruralité profonde, bordé par une diversité de cultures dont la culture de cacao, de l’anacarde, de la banane plantain, du manioc, de l’igname etc.

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Les cabanes réservées à l’hébergement des visiteurs sont construites avec des matériaux locaux écoresponsables, du Géobéton : c’est de la terre avec très peu de ciment, qui permet d’avoir des briques résistantes et rafraichissantes. Pas de problème d’humidité à l’intérieur, très bonne isolation donc pas besoin de climatiseur.

Anacardier de la ferme agroécologique DIATOULA-Les Terres Douces ©Marie Engel Coulibaly

Dans cet environnement propice au tourisme agricole, il y a aussi des moutons, des poulets, des canards, des lapins, des ruches… Les visiteurs peuvent se plonger dans cet univers rural bordé par une biodiversité qui prospère avec le temps. Ils peuvent aussi nager, découvrir et déguster des mets locaux cuisinés exclusivement avec des produits issus de la ferme.

Chambre pour les visiteurs ©Marie Engel Coulibaly

Trop souvent, les touristes visitent la Côte d’Ivoire sans goûter à la Côte d’Ivoire profonde. La réalité c’est qu’il est de plus en plus difficile pour des touristes de goûter aux terroirs du pays et à la gastronomie locale, surtout lorsque ces derniers découvrent la Côte d’ivoire en restant à Abidjan. Ce constat entretient d’ailleurs un malaise, en témoignent les retours d’expérience des visiteurs de la ferme, qui y voient un paradis local, une source pure et une réponse concrète à ce malaise, loin de la cacophonie abidjanaise.

Tout l’engagement du couple franco-ivoirien trouve également sa traduction dans le fait que durant le séjour des visiteurs, Marie et Mamadou partagent leur passion pour la connaissance et la préservation des espèces vivantes endémiques, discutent des liens entre agriculture et biodiversité, parlent de l’importance de la santé des sols dans la préservation de la qualité nutritionnelle des aliments etc.

Pour finir, il est important d’ajouter que ce projet exceptionnel reste tout de même un défi quotidien. L’expérience n’est pas aisée car, entre les divagations des troupeaux de bœufs et les problèmes structurels locaux, il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs escomptés. Toutefois, le couple Coulibaly sait puiser de l’énergie positive en ayant en tête l’adage qui dit que « celui qui plante des arbres sachant qu’il ne pourra pas profiter de leur ombre, vient de commencer à comprendre le sens de la vie. »

« Pour ce qui est de la main d’œuvre, au début ça a été long de trouver les bonnes personnes pour nous accompagner dans ce projet. Mais à force d’être exigeants, nous avons aujourd’hui une équipe formidable. »

Marie Engel-COULIBALY

D’ici 5 ans, le couple ambitionne de faire émerger une forêt nourricière sur cet espace. Quelle belle vision !

Yves-Landry Kouamé

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Commentaires

Chof
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Un très beau projet. Envie de découvrir cette ferme

Yves-Landry Kouamé
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Oui super projet en phase avec les enjeux écologiques actuels ! N’hésitez pas à me faire part de votre retour d’expérience après visite

Etienne Goïta
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Diatoula est malien

Yves-Landry Kouamé
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Oui « Diatoula » est malien, « les terres douces » est le nom d’une rue française, pour un projet qui se réalise finalement en Côte d’Ivoire. Le nom de ce projet est le reflet du parcours du couple. Un beau parcours…

Michel dolo
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Salut dolo depuis les usa c’est une très bonne initiative beaucoup de courage et j’espère que tu me reconnaîtras c’est le petit frère de Dagui dolo

lescoulibaly
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Bonjour Petit Frère, nous nous souvenons très bien de toi. Merci pour le soutien, notre doux souvenir de Bamako, c'est vous les Dolo!
Ton grand frère veille sur nous depuis toujours!